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vendredi, février 17, 2006

Skype vs. IP Multimedia System

Skype est un nom méprisé par les opérateurs télécoms, mais connu et apprécié de millions de consommateurs, parce que Skype mise sur le coût, la simplicité d’usage et même la qualité sonore vis à vis d’autres services de voix sur IP. Avant l’apparition des forfaits voix sur IP à durée illimitée, Skype représentait 90% du volume des communications voix sur IP en Europe. Dans une certaine mesure, comme autrefois les opérateurs de call-back jouaient sur les écarts de tarif entre les différents pays, Skype joue lui aussi sur le déséquilibre entre le tarif de l’accès Internet et le tarif des communications téléphoniques classiques.

Au-delà d’un phénomène de mode, Skype s’inscrit aussi dans une évolution forte des télécoms qui a conduit à déplacer l’intelligence communicante du réseau vers les terminaux. Ainsi Skype a noué des partenariats avec des vendeurs de terminaux. Ce déplacement de l’intelligence du réseau vers les terminaux a également eu lieu lorsque les opérateurs ont basculé de X.25 vers IP, mais s’est arrêté depuis avec l’apparition de nouveaux services. Certes IP est un standard ouvert et public, ce qui n’est pas le cas des protocoles de communication déployés par Skype. De ce point de vue le caractère propriétaire de Skype nuit à la confiance que l’on pourrait lui apporter, notamment en termes sécuritaires. Peut-être Google Talk apportera davantage de réponses de ce point de vue, puisque sur un principe de fonctionnement similaire il repose lui sur un standard ouvert.

A l’inverse IMS prend le contre-pied d’une telle approche en fournissant un standard global, et en restituant d’une certain façon le contrôle des services aux opérateurs télécoms. IMS est dans la lignée des grands modèles unificateurs (TMN,…) dont les télécoms sont si friands, mais qu’ils utilisent surtout comme cadre de réflexion et n’appliquent que peu.
IMS propose un modèle global de services IP à valeur ajoutée (liste de contacts, push to talk, vidéo,…), en associant ces services à un ou des serveurs d’application SIP accessibles par un utilisateur depuis son équipement, agissant comme un client SIP, indépendamment de son mode d’accès (mobile, PDA, poste fixe…). L’utilisateur peut ainsi accéder au service à partir du réseau de son opérateur ou d’un opérateur tiers, l’interopérabilité entre opérateurs est assurée par le standard IMS indépendamment du service. L’adoption par l’ETSI de l’IMS, proposé initialement par le 3GPP, fait espérer également la fourniture du service indépendamment de l’accès, fixe ou cellulaire.

Du point de vue utilisateur, IMS offre une qualité de service différenciée et donc maîtrisée, ce qui est essentiel pour les services multimédia. Du point de vue opérateur, une seule architecture englobe les services IP proposés, au lieu de multiplier les architectures par service. Au delà des gains d’échelle, qui dans le passé ne se sont que rarement concrétisés, les opérateurs peuvent surtout espérer regagner la place qu’ils ont perdue dans la chaîne de valeur ajoutée des services liés à Internet en utilisant comme levier leur situation de force actuelle dans le cellulaire. A l’instar du monde cellulaire, seuls les services Internet multimédia monétisés par les opérateurs pourraient en effet bénéficier d’une qualité de service différenciée. Les autres services (à la Skype) seraient donc de facto défavorisés puisqu’ils ne bénéficieraient que de la qualité de service standard.

Il n’est toutefois pas évident que les opérateurs télécoms soient en mesure d’imposer leur vision. D’une part la qualité de service demandée au service de transport basique Internet est toujours plus élevée : sites e-commerce de plus en plus gourmands par exemple, clients riches à la Web 2.0. Et cette qualité de service peut suffire à déployer les services multimédia du futur. D’autre part le modèle économique de ces services multimédia reste à construire et doit intégrer les coûts de l’infrastructure à mettre en place. Est-ce qu’une telle optimisation du réseau se justifie ?

Plus fondamentalement, pariez-vous sur AT&T, Verizon, Vodaphone et France Telecom ou sur Google, Yahoo et Microsoft comme futurs normalisateurs de services multimedia distribués sur Internet ? Et sur la TV ? Et sur le téléphone mobile ?

Sur ces puissantes réflexions, ami lecteur, je te laisse à tes préoccupations quotidiennes,

Alexis.

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